Cana, vin et gloire

Jésus nous conserve, tels un bon vin, par la grâce de son amour.

Avec l'évangile du dimanche dernier et celui d'avant, l’évangile de ce jour constitue le triptyque épiphanique de notre Seigneur Jésus-Christ. En effet, chaque fois, ce qui est mis en évidence, c'est la manifestation du Christ. À la fête de l'Epiphanie, c’était la manifestation aux mages, et à travers eux, au monde entier. Dimanche dernier, au Baptême du Seigneur, le Christ se manifestait à Jean le Baptiste et à tout Israël. Aujourd'hui où il est question des Noces de Cana, le Christ se manifeste à ses disciples et donc à l'Eglise. Pour mieux mettre en évidence ces trois épiphanies, les chrétiens de rite oriental les rassemblent en une seule célébration, à la fête de l'Epiphanie. L'idée générale qui traverse ces 3 évènements est l’annonce prophétique de Jean le Baptiste : « Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » Le Messie est venu dans la fragilité et la simplicité d’un enfant et les mages ont contemplé sa gloire. Toute sa vie sera celle d’un agneau, docile à son Père, doux et humble de cœur. Il est entré dans les eaux du baptême pour les purifier et en faire, non plus seulement un signe de conversion, mais un moyen de purification. De même, à Cana, Jésus se présente à ses disciples comme celui qui enlève le péché du monde. Comment ?

            Lorsqu’on lit de façon purement humaine cet évangile des Noces de Cana, on est tenté de dire, à propos de Jésus : « Voici quelqu'un qu'on aurait toujours aimé inviter à sa fête. » Mais il faut voir au-delà de l'aspect matériel des choses pour mieux découvrir la manifestation de la gloire du Seigneur. Regardons quelques indices.

D'abord, les serviteurs. Ceux que le Christ utilise et qui sont les seuls à détenir le secret du signe, ce ne sont ni le maître du repas, ni le marié, mais les serviteurs. Jésus, Agneau de Dieu, est lui-même serviteur et il choisit ceux qui sont configurés à sa mission de service. Dieu révèle sa gloire aux serviteurs, aux humbles.

Ensuite, les jarres. Elles étaient destinées à la purification. Si elles contenaient ordinairement de l'eau destinée aux ablutions rituelles, donc extérieures, elles contiennent désormais du vin. Et c'est là un signe, le signe que le sang du Christ qu'il va lui-même présenter à ses disciples sous l'aspect du vin, lavera et purifiera de l’intérieur tout homme : « Le sang de l'alliance nouvelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés… » Une fois encore, Jésus se révèle comme celui qui enlève le péché du monde.

Troisième indice : l'heure. Elle est très importante dans l’évangile selon saint Jean. Ici, à Cana, Jésus dit : « Mon heure n'est pas encore venue. » Cette heure viendra, à la veille de sa Passion. Saint Jean dira : « À l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père… » Ainsi l'événement de Cana est à lire en lien avec celui du Jeudi saint. Il y donne le signe que l'eau du baptême devra se changer en vin de l'alliance nouvelle, de noces, non plus de Cana, mais éternelles ; ce vin, qui est son sang versé pour la purification du monde. Ainsi, sa gloire qui s’est manifestée à son baptême se manifestera encore plus éloquemment dans sa Passion. L’eau du baptême doit se changer en engagement pour Dieu et ses frères.

En effet, si le Christ se manifeste ainsi, c'est pour produire en nous la foi, comme ce fut le cas chez ses disciples : « Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent dans lui. » Et la foi se définit en termes de disposition totale à la volonté de Dieu ; autrement dit, de service : « Faites tout ce qu'il vous dira ». Cela signifie servir Dieu en s’engageant pour la justice, d’une part et, d’autre part, en acceptant d'accomplir dans l'Eglise, et sous la motion de l’Esprit-saint, une tâche, un ministère. Certes, ll y'a les mariés et leurs convives, mais il y'a aussi ces petites mains, ces serviteurs qui ont agi discrètement pour que les mariés ne manquent de rien. Ne voudrais-tu pas toi aussi être de ces petites mains, à l'accueil, au service des sépultures, de l’animation liturgique par lesquelles l’Esprit va communiquer aux autres convives des noces dominicales ses dons et le Christ, porter son amour et sa miséricorde ?