Exorcisme par la miséricorde.
- 5 avr.
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Homélie du dimanche 6 avril 2025, 5e dimanche de carême C.
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L’évangile de ce jour comme celui du dimanche dernier nous fait contempler l’immensité de l’amour et de la miséricorde de Dieu. On peut dire que les paroles du livre d’Ézéchiel prennent ici tout leur sens : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez 18, 23). Parcourons quelques passages de cet évangile pour orienter notre méditation.
« Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner ». Ce passage nous fait penser au chapitre 5 et suivants de l’évangile de Matthieu, lorsque les foules viennent sur la montagne, s’approchent de Jésus et que celui-ci livre son sermon. On se souvient que dans ce sermon, Jésus aborde la question de l’adultère et se montre plus sévère que Moïse en signifiant que l’adultère commence déjà dans le cœur. Va-t-il se montrer aussi dur devant un cas concret ? « Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère », obligeant ainsi Jésus à quitter sa position d’enseignant et le plaçant ainsi en position de juge. Mais la réaction de Jésus va donner tout son sens à ce que Jean rapporte au début de son évangile : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 17). La mission du Christ dans le monde n’est pas une mission de jugement mais de salut. Le temps est encore favorable, l’heure est encore à la conversion pour se tourner vers le salut.
« Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? » Le réquisitoire des scribes et des Pharisiens fait allusion à la Torah et il est bon de revenir sur cette Loi. On retrouve la punition de l’adultère dans deux passages :
Lv 20, 10 : « Quand un homme commet un adultère avec la femme de son prochain, cet homme adultère et cette femme seront mis à mort ».
Dt 22, 22 : « Lorsqu’on trouvera un homme couché avec une femme mariée, ils mourront tous les deux, l’homme qui a couché avec la femme et la femme également. Tu ôteras le mal du milieu de toi ». Trois remarques !
La première, c’est que la Loi de Moïse prévoit de châtier les deux complices, l’homme et la femme. Mais là, il n’y a que la femme. On ne commet pas l’adultère seul tout de même. Cette femme sert sûrement de prétexte. Sa vie n’a pas d’importance aux yeux de ses accusateurs qui veulent juste tendre un piège à Jésus. Manipulation de la souffrance, de la détresse, de la faiblesse des autres pour assouvir ses fins personnelles. Justice à double vitesse où seuls les plus petits paient et les plus forts et les plus grands sont épargnés.
La deuxième remarque, c’est que les textes prévoient de mettre à mort les coupables d’adultère mais ne disent nulle part qu’il faut les lapider. La lapidation est prévue par exemple dans le cadre d’une autre infidélité, à savoir l’idolâtrie. Celui qui en est le témoin ou qui a été sollicité à l’idolâtrie doit être le premier à jeter la pierre au coupable. Le peuple vient après (Cf. Dt 13, 9-10 ; Dt 17, 7). Les scribes et les Pharisiens ont donc bien compris la réponse de Jésus. Eux lui parlent d’adultère, lui leur parle d’idolâtrie qui est encore plus grave et qui, depuis les prophètes est considérée comme un adultère. Jésus semble alors leur dire : « Que celui qui n’a jamais commis d’adultère vis-à-vis de l’amour et de la tendresse de Dieu, que celui qui n’a jamais été infidèle à l’alliance par le péché, soit le premier à lui jeter la pierre ». Les plus anciens sont les premiers à comprendre : elle a commis l’adultère envers son époux, nous, envers Dieu.
Troisième remarque : chaque fois dans ces passages, il est dit à la fin : « C’est ainsi que tu ôteras le mal du milieu de toi ». Il ne s’agit donc pas de châtier pour le plaisir, mais pour trouver le moyen d’extirper le mal. En clair, dans la loi de Moïse, on se disait qu’il fallait supprimer celui qui a péché pour ôter le péché. Avec le Christ cela n’est plus nécessaire. Car il ôte le péché sans avoir besoin de mettre à mort le pécheur. Par sa parole de miséricorde le Christ exorcise le péché de notre cœur : « Moi non plus, je ne te condamne pas ». Action d’une précision chirurgicale, sans aucune bavure ! Jésus n’abolit pas la Loi de Moïse. Il la conduit à son but ultime : ôter le péché. Le Christ l’accomplit à travers une méthode nouvelle : « Voici que je fais une chose nouvelle ». On vient à lui, en pleurant notre péché, mais on n’est pas anéanti comme les Égyptiens. Au contraire, on est réconforté et on peut repartir dans la joie.
Mon frère, ma sœur, tu ploies sous le poids de tes péchés qui sont comme des traces de blessures dans ton cœur. Le Christ, avec son doigt puissant, les inscrit sur la terre pour que le fleuve de son amour et de sa miséricorde les emporte. Tu penses que tu t’es frayé un chemin jusqu’à lui. Mais non ! C’est le Christ qui, comme avec cette femme de l’évangile, s’est frayé un chemin de miséricorde jusqu’à toi. Là, il n’y a plus personne car personne n’est en droit de te condamner. Veux-tu repartir de zéro avec ton Sauveur ? Alors, comme Paul regarde Jésus et Jésus seul. C’est lui ton but. Comme un enfant à qui la maman tend les bras, cours vers ton but qui est sa miséricorde. Ne te laisse pas décourager par tes erreurs du passé. Cours pour l’embrasser. Alors, tu le connaîtras vraiment, tu éprouveras la puissance de sa résurrection dans sa miséricorde qui te redonne vie et tu communieras davantage à ses souffrances par lesquelles il ôte les péchés du monde. Fais-lui confiance car il a confiance en toi. Il sait qu’avec sa grâce, tu peux vaincre le péché. C’est pourquoi il te dit : « Va, et désormais ne pèche plus ».
Père Philippe Koidou-Ledoux
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