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Le risque d'aimer sans être aimé

  • 23 févr.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 mars


"Aimez vos ennemis"
"Aimez vos ennemis"

Les paroles de l’Évangile de ce jour sont, pour le moins extrêmement dures, à la limite utopiques. D’aucun diraient qu’on n’est pas loin d’une doctrine qui prône le masochisme. En effet, est-il naturellement concevable d’aimer quelqu’un qui ne nous veut que du mal ? Jésus ne nous invite-t-il pas à être les victimes passives et sacrifiées de ce monde où l’homme est davantage un loup pour l’homme ? Car, ce qui semble convenir à ce monde, c’est la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent, C’est-à-dire, rendre les coups, les injures… pas de place pour le pardon, pour l’amour des ennemis. Le grand principe directeur de toute action surtout négative, c’est celui de la réciprocité pour que l’autre ressente à quel point il a fait mal. Je ne me fais donc pas d’illusion : beaucoup sont heurtés par cette parole du Christ et n’entendent pas y accorder le moindre crédit, ce qui est naturel. Il faut être fou pour demander pareille chose. En effet, on ne se verrait pas capable de pardonner à celui qui a ôté la vie d’un proche. Mais, aussi paradoxal que cela puisse être, loin de nous procurer un sentiment de réconfort et de soulagement, la vengeance nous fait nous sentir pire qu’avant. Blessés dans notre âme, il nous faut trouver un remède spirituel.

            Depuis quelques semaines le Christ n’a de cesse de chercher à éveiller en nous le spirituel qui y sommeille, étouffé et combattu par les sentiments humains : le doute, la jalousie et la colère (comme à Nazareth), l’effroi et la peur (avec Pierre), l’orgueil, la méchanceté, la persécution, les moqueries des ennemis des prophètes (Béatitudes). Saint Paul le dit dans la seconde lecture, nous sommes aussi des êtres spirituels modelés à l’image du Christ et lorsque nous laissons en nous parler le spirituel, nous nous élevons au-dessus des contingences matérielles et humaines qui ne sont que vaines et éphémères. Voici donc le message de ce jour : que diminue en nous l’emprise de l’humain et que grandisse le spirituel. Que l’amour prenne le pas sur la haine, la miséricorde sur la vengeance ! On n’est pas chrétien parce qu’on vient régulièrement à la messe, ni parce qu’on fait des pèlerinages, parce qu’on s’engage à l’église, parce qu’on est baptisé et qu’on fait baptiser tous ses enfants, dans un élan, je dirais traditionnel ou culturel. On est chrétien parce qu’on aime et qu’on respecte toute vie même si elle constitue une menace pour la nôtre.

            David était considéré comme l’ennemi public n°1 ; Saül le traquait comme un chien sauvage, avec 3000 hommes. L’occasion du régicide se présentait à David comme sur un plateau d’argent, mais il s’est retenu de le faire. Nous interprétons parfois l’occasion qui s’offre à nous de détruire ceux qui nous veulent du mal comme un don du ciel. Mais il n’en n’est rien. Aucune destruction malicieuse, hypocrite ou sournoise du prochain ne saurait provenir de Dieu. Dans ces situations, qu’est-ce qui parle véritablement en nous ? La colère ? La jalousie, le désir de vengeance ou la justice ? Cette dernière est dotée de structures assez fiables pour être appliquée

            Notre monde d’aujourd’hui ne connaît aucune pitié. Le slogan semble être : Ôte-toi de là ; que je m’y mette ! David a davantage respecté l’élection divine dont Saül a été l’objet, car les choix de Dieu sont irrévocables. On peut se détourner des chemins de Dieu, mais l’onction baptismale demeure. Son amour est éternel. Cependant, au-delà de l’onction, David respecte la vie, car la marque la plus notoire de Dieu en l’homme, c’est la vie. Quels que soient les crimes qu’ait pu commettre un être humain, il n’appartient pas aux hommes de lui ôter la vie. C’est, en quelque sorte le fondement de l’abolition de la peine de mort qui, malheureusement, n’est pas une réalité partout.

            Comme Saül aux mains de David, parfois, des vies sont livrées entre nos mains : des personnes en quête d’emploi, des personnes qui attendent notre avis pour une promotion, d’autres dont le pronostic vital est sérieusement engagé et pour qui une décision de notre part s’impose (enfant à naître, adulte en fin de vie, etc.). Quel choix va-t-on faire ? Celui d’une séparation vite faite bien faite pour égoïstement s’épargner soi-même des souffrances insupportables ou bien celui de la vie avec son lot de conséquences lourdes et pesantes ?

            Si le chrétien est appelé à aimer, ce n’est pas comme le monde aime, mais comme il devrait aimer :  « Ce que vous voulez que les autres fassent pout vous, faites-le aussi pour eux ». Aimer peut transformer une vie : Le saint Pape Jean-Paul II l’a fait pour celui qui a tenté de l’assassiner. Mais il faut être réaliste comme David : ce dernier savait que même si le fait d’avoir épargné Saül allait réchauffer tant soit peu leurs relations, cela ne mettrait pas fin au désir de ce dernier de le supprimer. En clair, aimer, c’est prendre le risque de ne pas être aimé en retour. Dieu a pris ce risque en son Fils et cela s’est avéré plus que payant. Suis-je prêt à prendre le risque d’aimer gratuitement, envers et contre tout ?


Père Koidou-Ledoux

2 Comments


Unknown member
Feb 24

Merci mon père pour cette belle homélie.

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Unknown member
Feb 24
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Merci docteur ! Dieu te bénisse !

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